Appel à contributions
Travail et production littéraire
Fondé en 2012, le Séminaire littéraire des Armes de la critique (SLAC) se consacre aux approches marxistes et plus généralement matérialistes des phénomènes littéraires et culturels. Pour cette douzième année, on s’intéressera aux vastes enjeux que soulève la notion de production littéraire en tant qu’elle implique de penser (1) les spécificités du travail littéraire, (2) la place et le rôle qu’occupent les acteur·trice·s littéraires dans le processus de production et face à la question générale du travail, ou encore (3) les rapports socio-historiques de production dans lesquels ce travail littéraire s’inscrit.
Depuis ses débuts, le séminaire se veut un lieu de recherche, mais aussi d’(auto)formation et d’exploration menée par de jeunes chercheur·se·s qui désirent consolider les outils théoriques mobilisés dans leurs recherches respectives en études littéraires ou bien dans d’autres sciences humaines qui auraient trait à la littérature, comme la sociologie, la philosophie ou les études de langues par exemple.
L’équipe d’organisation attend donc des propositions d’interventions qu’elles prennent la forme d’études de cas particuliers, de réflexions en cours sur des chantiers de recherche, ou de synthèses, mais aussi de comptes rendus d’ouvrage(s) critique(s) ou théorique(s). Chaque communication pourra durer entre 25 et 35 minutes selon les séances.
Soucieux·ses d’élargir le champ habituel des débats universitaires, nous accueillerons très favorablement toute proposition émanant d’un·e non-universitaire, d’un·e étudiant·e de premier ou de deuxième cycle, par exemple en master ou en début de thèse. De plus, il est parfaitement possible de faire des exposés à deux voix, y compris en sollicitant un·e organisateur·ice pour une intervention commune.
Pour l’année 2024-2025, voici les axes de réflexion auxquels le SLAC entend se consacrer.
1. Questions de méthode. Qu’est-ce que la production littéraire ?
La notion de production littéraire, en s’opposant à celle de création, incite à s’intéresser aux modes d’insertion et d’articulation complexes des œuvres aux réalités sociales, historiques et économiques. Un tel parti pris matérialiste soulève néanmoins de nombreuses questions qui pourront faire l’objet d’interventions méthodologiques et réflexives :
S’agit-il de s’intéresser à la production textuelle, à partir des divers matériaux (idéologiques, psychiques, socio-linguistiques) avec lesquels l’écrivain·e travaille, en renouant ainsi avec une appréhension de l’écrivain·e sur le modèle de l’ouvrier ou de l’ouvrière ? Si oui, comment ? Mais ne se dispense-t-on pas alors, par cet usage métaphorique de la production, de penser l’articulation effective du travail littéraire au vaste procès de production ?
S’agit-il alors d’étudier la production livresque ou éventuellement la production de marchandises littéraires ? Comment réinscrire les objets littéraires dans leurs contextes de production, d’édition, de circulation et de consommation ?
Ou s’agit-il encore d’étudier la production et la reproduction des rapports de production littéraire, en s’intéressant notamment au rôle des institutions qui œuvrent au maintien de sa valeur ? Avec quels outils ?
2. Questions de représentation
Les réflexions du séminaire se sont construites largement en opposition à deux grandes familles d’approches du texte littéraire : l’une qui tend à considérer le texte comme un objet en soi et autonome, l’autre qui tend à se concentrer sur les référents “thématiques” du texte. Ces deux types d’approches étant trop souvent déliées d’une analyse spécifique des conditions de production, le séminaire s’est donc souvent attaché à écarter des approches dites “thématiques”, c’est-à-dire exclusivement tournées vers les significations et l’imaginaire des textes.
Cependant, sur la question spécifique du travail, nous souhaitons consacrer une réflexion à part entière aux représentations du travail en littérature, à partir du moment où le travail n’est pas un objet comme un autre, mais où les modalités du travail décrit rejaillissent sur le travail de l’écrit.
Les propositions d’interventions sur la littérature confrontée concrètement au travail d’usine et/ou l’écriture conquise sur le temps de travail non-littéraire seront donc valorisées, si possible au-delà des corpus déjà largement étudiés jusqu’ici, comme les ouvrages de Robert Linhart, Leslie Kaplan ou François Bon par exemple. Rien n’empêche cependant de revenir sur ces auteurs et autrices en adoptant une approche matérialiste.
Une attention particulière sera portée à des propositions sur les représentations du travail en littérature et dans des processus d’écritures dont le regard s’élargit aux pays extra-occidentaux ou se penche sur des périodes historiques moins étudiées que le XIXe et le XXe siècle.
De plus, la place importance de la littérature dite d’usine ou prolétarienne ne devra pas occulter d’autres formes de représentation du travail en littérature et dans la production littéraire, comme le travail domestique, agricole ou encore le travail sexuel.
En bref, les propositions qui envisageraient de traiter un corpus ou un texte afin d’étudier et de souligner une certaine représentation du travail et de la production seront invitées à se rattacher aussi explicitement à des questions critiques et théoriques, pour ne pas en rester à une conception et descriptive de la critique littéraire.
3. Questions matérialistes : travail, production et valeur
La complexité des rapports qu’entretient la littérature à la production pourra nourrir des travaux qui s’attachent à raffiner d’une part nos pensées du travail et des activités productives, et d’autre part nos approches des modalités de la production littéraire à travers l’histoire.
À la fois travailleur·euse.s et incarnations d’hommes et de femmes libres, la position des artistes et des écrivain.e.s dans le mode de production capitaliste a par exemple été considérée comme ambiguë et fait l’objet de débats. On pourra ainsi se demander comment la littérature nous permet de réenvisager les partages entre l’improductif et le productif, entre travail et non travail, et entre les différents statuts (emploi, salariat, rente, chômage). On pourra encore s’intéresser aux différents rapports au travail que la littérature a entretenus en fonction des contextes historiques et des modes de production spécifiques. Les interventions pourront également s’interroger sur les outils de la production littéraire et l’influence des évolutions techniques sur le travail littéraire.
Enfin, une question matérialiste centrale depuis le livre I du Capital de Marx, mais toujours débattue aujourd’hui, concerne le lieu propre de la production de valeur et de la transposition de la valeur d’usage en valeur d’échange, quantifiée par la monnaie. La question des différents modes de monétisation en littérature, et plus largement dans l’industrie culturelle lorsqu’elle s’attache à des productions littéraires, pourra aussi faire l’objet d’études locales et/ou méthodologiques.
Cette question de la production de valeur économique, mais aussi symbolique, dans le champ littéraire, pourra amener à se demander qui sont véritablement les travailleur·euse·s littéraires et comment se définissent les différents statuts économiques et symboliques du champ littéraire, par exemple en ce qui concerne le rôle des relecteur·trice·s, des agent·e·s, des éditeur·trice·s ou même des conjoint·e·s dans la production littéraire.
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Les propositions d’interventions (2000-3000 signes) pourront être adressées aux adresses suivantes, en indiquant rapidement les préférences de dates parmi les suivantes. Les dates d’interventions seront ensuite programmées et confirmées par l’équipe d’organisation du séminaire.
Contacts : mhillion@unistra.fr ; jean.tain@univ-lorraine.fr ; mario.martinotti@ens.fr
Date limite pour les premières propositions : le 30 septembre 2024.
NB : Selon les disponibilités du programme, nous accueillerons aussi volontiers les propositions d’interventions au fil de l’eau, à envoyer aux mêmes adresses.
Horaires et dates prévues du séminaire : 14h-16h30, École Normale Supérieure (Paris)
Vendredi 4 octobre 2024, salle Conférence, 46 rue d’Ulm
Vendredi 15 novembre 2024, salle des Actes, 45 rue d’Ulm
Vendredi 6 décembre 2024, salle Émile Borel (U 203), 29 rue d’Ulm
Vendredi 17 janvier 2025, salle Émile Borel (U 203), 29 rue d’Ulm
Vendredi 7 février 2025, salle Émile Borel (U 203), 29 rue d’Ulm
Vendredi 7 mars 2025, salle Émile Borel (U 203), 29 rue d’Ulm
Vendredi 28 mars 2025, salle Émile Borel (U 203), 29 rue d’Ulm
Vendredi 16 mai 2025, salle Camille Marbo (U 205), 29 rue d’Ulm
Vendredi 13 juin 2025, salle à confirmer.
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Équipe d’organisation :
Gabrielle Adjerad ; Vincent Berthelier ; Alice De Charentenay ; Esther Demoulin ; Marianne Hillion ; Marion Leclair ; Edward Lee-Six ; Antoine Poisson ; Mario Ranieri Martinotti ; Mathilde Roussigné ; Jean Tain.
