par Olivier Campa

Lundi 4 novembre 2019

à 18h30 en salle Celan (45 rue d’Ulm)

 

« La vie de l’esprit entre amis, la pensée qui se forme dans l’échange de parole, par écrit ou de vive voix, sont nécessaires à ceux qui cherchent. Hors cela, nous sommes pour nous-mêmes sans pensée. Penser appartient à la figure sacrée qu’ensemble nous figurons. »

Hölderlin, lettre à Böhlendorff, 1802

 

« Pas un déporté qui n’ait refait, à travers cette épreuve, le chemin de la prise de conscience du pauvre, de l’esclave en face du maître, et n’ait, d’entre les barbelés, juré de subordonner tout à la reconnaissance de l’homme comme valeur universelle. Qui n’ait fait aussi l’expérience de sa puissance. »

Antelme, « Pauvre – Prolétaire – Déporté », 1948

 

C’est sous la lumière de ce que Hölderlin appelle « communisme des esprits » et depuis l’épreuve du désastre que toute lecture de L’Espèce humaine de Robert Antelme enveloppe de sa nuit que Dionys Mascolo élabore sa propre pensée d’une communauté négative, — communauté que rien ne fonde que la conscience de ce rien auquel se trouve réduit l’homme rapporté à sa nudité essentielle. Une telle nudité dit conjointement la puissance matérielle du besoin contre l’ordre institué des valeurs et la reconnaissance originaire de l’homme par l’homme au revers de tout humanisme idéalisé.

Depuis Le Communisme (1953), qui fait suite à l’exclusion du PCF, jusqu’à Autour d’un effort de mémoire (1987), qui fait retour sur l’expérience concentrationnaire, en passant par les écrits militants de la période anticolonialiste et de mai 68 (recueillis en 1993 dans A la recherche d’un communisme de pensée), il s’agira de voir comment Mascolo endure et déploie cette pensée d’une pure puissance du rien comme puissance révolutionnaire ouvrant la possibilité d’une communication libérée de tout sujet substantiel et souverain. Se réclamant constamment du marxisme, mais dans un dialogue toujours plus nécessaire avec Maurice Blanchot, une telle pensée se révèle indissociablement politique, éthique et littéraire : politique d’une révolution se produisant matériellement comme devenir pur ; éthique d’une amitié ouvrant l’espace d’une communauté agissante d’être littéralement désœuvrée ; écriture collective — anonyme — où ne cesse de se réinventer en acte cette « communauté de ceux qui n’ont pas de communauté » par le mouvement même du devenir-révolutionnaire qui l’anime de sa puissance sans nom.

Indications bibliographiques :

• MASCOLO, Le Communisme. Révolution et communication ou la dialectique des valeurs et des besoins [1953], Lignes-IMEC, 2018.
• MASCOLO, A la recherche d’un communisme de pensée, Fourbis, 1993.
• MASCOLO, Sur le sens et l’usage du mot ‘‘ gauche ’’ [1955] suivi de Contre les idéologies de la mauvaise conscience [1970], Lignes, 2011.
• MASCOLO, Autour d’un effort de mémoire, Maurice Nadeau, 1987.
• Lignes, « Avec Dionys Mascolo », textes, tracts, manifestes, déclarations, carnets, correspondances avec M. Blanchot et G. Deleuze, n°33, mars 1998.
• ANTELME, L’espèce humaine [1947], Gallimard, 1957.
• ANTELME, « Pauvre – Prolétaire – Déporté » [1948], in Textes inédits sur L’Espèce humaine. Essais et témoignages, Gallimard, 1996.
• DURAS, La Douleur, P.O.L., 1985.
• BLANCHOT, Ecrits politiques 1953-1993, Gallimard, 2008.
• BLANCHOT, « Le rapport de troisième genre (homme sans horizon) » & « L’indestructible. 2. L’espèce humaine » [1962], in L’Entretien infini, Gallimard, 1969.
• BLANCHOT, La Communauté inavouable, 1983.