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Veille bibliographique #34 (printemps 2025)

Nouvelle veille bibliographique avec une sélection de parutions récentes.

Liste réalisée par la Librairie Le Point du Jour (58 rue Gay-Lussac, 75005 Paris

 

 

Karl Marx, Friedrich Engels,  Œuvres choisies,
 éd. Science marxiste, 2025, 1470 p., 20 €.

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Ces Œuvres choisies de Marx et Engels pour la « Bibliothèque jeunes » se veulent une des armes pour la bataille dans la crise de l’ordre qui marque la confrontation mondiale entre les puissances et qui tenaille la politique de la classe dominante. Il s’agit certes d’une première approche des textes décisifs, nécessairement limitée aux plus importants, par ailleurs reproduits, dans certains cas, seulement sous forme d’extraits. Ou bien de textes sélectionnés en tant que témoignage de filières de réflexions menées par Marx et Engels dans des séries entières d’articles ou dans leur correspondance. C’est le témoignage de décennies de travail d’approfondissement, d’enrichissement et souvent de révision des jugements sur des questions théoriques stratégiques ou historiques, telles que les luttes de classes en Allemagne, en France et en Angleterre, la révolution de 1848 et les questions nationales, la loi de la révolution permanente, les guerres nationales et l’approche de la nouvelle ère des guerres impérialistes, la révolution en Russie, et bien plus encore. Tous ces sujets sont toujours abordés dans la perspective du développement du parti international : un travail méthodique d’étude commencé au début des années 1840, et seulement interrompu par la mort d’Engels en 1895.

 

Vincent Berthelier, Le style de Marx,
Les Éditions sociales, « Les éclairées », 2025, 200 p., 20 €. 

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L’œuvre théorique et politique de Karl Marx n’est pas seulement faite de concepts, mais aussi d’images concrètes, de formules et de tournures frappantes, d’un entremêlement de langues, de voix et de textes, à travers lesquels sa théorie s’élabore et s’offre à la lecture. Son style, en un mot, ne constitue pas la surface, mais la charpente langagière et sensible de sa réflexion.
Spécialiste des rapports entre style, littérature et politique, Vincent Berthelier propose ici une synthèse originale et non dogmatique des lectures littéraires de Marx. Il met ainsi en lumière la façon dont la pensée marxienne (et parfois ses impensés) s’inscrit dans des formes littéraires, singulières ou collectives, sans négliger le plaisir du texte qui s’en dégage.

Ulysse Lojkine, Le fil invisible du capital. Déchiffrer les mécanismes de l’exploitation,
post. Cédric Durand, La Découverte, « Économie politique », 256 p., 21€

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Les rapports économiques du capitalisme ne s'observent pas à l'oeil nu. L'enchevêtrement de la circulation des marchandises, l'usage d'unités de compte monétaires, le mécanisme indirect des interactions par les prix ou la division internationale du travail les rendent illisibles. L'ouvrière marocaine, la caissière française et les grandes banques sont prises dans des liens rigoureux mais opaques, qui créent l'ambiguïté au sujet de questions fondamentales : qui travaille pour qui, qui décide pour qui ?
À condition d'assumer l'abstraction et la rupture avec l'expérience immédiate, il est possible d'y répondre et de mettre en évidence, contre l'illusion libérale de l'égalité contractuelle, les rapports d'appropriation et de pouvoir qui traversent notre société. Comme l'avait dit Marx, ces rapports se révèlent inhérents au fonctionnement même du système capitaliste. Mais, en particulier à l'heure des réseaux de production internationaux, de la finance et de la rente, l'exploitation ne peut être analysée à partir du seul face-à-face entre employeur et salarié. Elle se déploie en cascade, à plusieurs échelles, dessinant une structure qui est aussi celle de la coordination économique.
Point alors un horizon d'émancipation socialiste qui n'est pas celui d'un retour à des communautés locales, ni d'une mobilisation générale au service de l'État, mais d'institutions de synchronisation à grande échelle des fins et des capacités de chacun.

Jean-Numa Ducange, Les marxismes,
PUF, « Que sais-je ? », 2025, 128 p., 10 €.

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Parmi les grands courants de pensée de l’histoire contemporaine, le marxisme occupe une place à part. Né après la mort de Karl Marx dans le contexte de développement des partis ouvriers, il est devenu l’une des idéologies les plus influentes du XXe siècle, revendiquée par des régimes politiques et de nombreux intellectuels de sensibilités diverses.
Tour à tour, l'auteur expose les principes fondamentaux du marxisme, puis il présente ses multiples déclinaisons au XXe siècle, depuis sa version stalinienne la plus rigide jusqu’aux nombreux courants critiques qu’il nourrit intellectuellement pendant des décennies. Enfin, il rend compte de l’éclatement en « mille marxismes » après la chute du mur de Berlin, soit la période de son incontestable déclin, contrebalancé toutefois par quelques renouveaux récents dans le contexte de la crise du capitalisme.

Joachim Hirsch, La théorie matérialiste de l’État. Les transformations du système capitaliste des États,
préf. Benjamin Bürbaumer, Syllepse, « Mille marxismes », 2025, 290 p., 25 €. 

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Loin d’avoir disparu, l’État est aujourd’hui omniprésent. Des subventions publiques record accordées aux entreprises privées pour la lutte contre les risques sanitaires, en passant par l’intensification des politiques répressives, l’atteinte aux droits fondamentaux et la multiplication des guerres et tensions commerciales, tout montre en effet que l’État est l'acteur pivot du monde contemporain. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que la critique de l’État connaisse un regain incontestable en France.
Pourtant, ce renouveau critique fait l’économie d’une théorie de l’État permettant de saisir ces différentes facettes de l’intervention étatique de manière conjointe. C’est précisément ce vide que le présent ouvrage comble.
Il offre au lecteur une boîte à outils intellectuelle indispensable pour identifier de manière critique les grandes tendances politico-économiques de notre temps et, fait rare, incite à penser de manière simultanée les événements nationaux et internationaux.
Dans cette optique, Joachim Hirsch ne retrace pas seulement l’évolution de l’État moderne et du système interétatique depuis le début du 20e siècle. Il soumet surtout les idées majeures de la pensée politique à une critique cinglante et montre à quel point des catégories marxistes comme l’exploitation, le capital, la lutte des classes et l’impérialisme permettent de mieux comprendre notre quotidien.
Un apport particulièrement novateur du livre réside dans l’argument que l’État moderne est capitaliste pour des raisons structurelles. Ainsi, il montre que contrairement à une idée largement répandue en France, selon laquelle l’État serait simplement sous l’influence des lobbys, les politiques publiques sont favorables aux entreprises parce que les fondements mêmes de l’État sont ancrés dans le fonctionnement du capitalisme.
 

Antonio Gramsci, Combattre le fascisme,
trad. de l’italien, préf. Massimo Palma, postf.  Manuel Esposito, La Variation, « (dis)continuité(s) », 2025, 126 p., 8 €. 

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Il est possible, à partir de l’œuvre de Gramsci, de penser l’émergence du fascisme historique de manière à mieux reconnaître ses nouveaux variants et mieux le combattre aujourd’hui. Étant donnée la situation politique actuelle – en France et en Europe – il n’est peut-être pas de lecture plus urgente que celle de ces textes.
Ce volume réunit des articles, parus pour la plupart dans L’Ordine Nuovo, ainsi que des extraits des Cahiers de prison d’Antonio Gramsci. Il est structuré de manière à donner un aperçu de la pensée politique du philosophe et surtout d’aborder un point urgent : le fascisme, qui ne cesse de revenir, partout en Europe et dans le monde, sous des formes diverses, nouvelles, au moins en apparence.

Jean-Marc Piotte, Sur Lénine,
M-éditeur, 2025, 272 p., 27 €. 

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Publié aux éditions Parti pris en 1972, Sur Lénine se présente comme une introduction à la pensée de celui qui fut l’un des principaux artisans de la révolution d’Octobre. Cette insurrection, Lénine y contribua d’abord en tant qu’intellectuel militant, ce dont témoignent les thèmes analysés ici par Jean-Marc Piotte : la tactique, le parti, l’État et la question nationale. S’appuyant sur un vaste corpus de textes, l’auteur donne à voir une « pensée vivante », attentive aux changements de conjoncture, et qui s’oppose trait pour trait à l’image sclérosante qu’a pu en donner le « marxisme-léninisme » de Staline. 

 

Les femmes, la révolution, le socialisme,
introd. Josefina Martinez et Diana Assunção, éd. Communard.e.s, 2025, 330 p., 20 €.

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De la Commune de Paris à la révolution russe, des générations de marxistes et de militant·es ont lutté pour l’émancipation des femmes, en articulant leurs luttes à celles du monde du travail. Si au cours du XXe siècle, ce féminisme socialiste s’est imposé comme un courant théorique et politique majeur, il est aujourd’hui largement méconnu.
Ces textes fondateurs de Karl Marx, Friedrich Engels, Eleanor Marx, Clara Zetkin, Rosa Luxemburg, Inès Armand, Alexandra Kollontaï, Lénine et Léon Trotsky, dont certains étaient jusqu’alors inédits en français, sont pour la première fois rassemblés dans un même recueil. Ils sont introduits par Josefina Martínez et Diana Assunção qui retracent l’histoire de ce courant, discutent ses apports au regard des débats féministes contemporains et appellent à renouer avec le féminisme socialiste, dans une perspective anticapitaliste et anti-impérialiste.

 


August Bebel, Femmes et socialisme,
trad. de l’allemand Bruno Doizy, introd. historique Anne Deffarges, Smolny, 2025, 590 p., 20 €.  

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C’est en prison que le socialiste August Bebel rédige la première mouture de Die Frau und der Sozialismus. Cet essai incroyablement subversif et visionnaire, paru en 1879 et aussitôt interdit, stigmatise le mariage, dénonce l’oppression des femmes sous toutes ses formes et imagine leur émancipation dans une société future, sans classes ni exploitation. Sans cesse enrichi, l’ouvrage connut un destin hors du commun : traduit dans vingt langues, constamment réédité, il devint le livre socialiste le plus lu de son époque.
Cette nouvelle traduction, établie sur la 50e et dernière édition allemande, redonne vie à ce texte fondateur du féminisme socialiste, essentiel pour penser ensemble les luttes sociales et féministes d’hier et d’aujourd’hui.

 

Olivier Besancenot, Michael Löwy, Marxistes et libertaires. Affinités révolutionnaires,
nouv. éd. actualisée et complétée,  Libertalia, 2025, 224 p., 10 €. 

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« Les histoires du mouvement révolutionnaire racontent en détail les désaccords, conflits et affrontements entre marxistes et anarchistes. L’objectif de notre livre est exactement l’inverse. Il existe un autre versant de l’histoire, non moins important, mais souvent oublié, et parfois même délibérément écarté : celui des alliances et des solidarités agissantes entre anarchistes et marxistes. Cette histoire, bien que méconnue, est longue de plus d’un siècle, et court jusqu’à aujourd’hui. Notre espérance est que l’avenir sera rouge et noir et devra puiser à ces deux sources de radicalité. »

 

Céline Marty, Découvrir Gorz,
Les Éditions sociales, « Les propédeutiques », 2025, 184 p., 12 €. 

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Essentielle à toute critique de l’écocide capitaliste, fondamentale pour élaborer des alternatives anti-productivistes et décroissantes en lien avec le monde du travail, l’œuvre d’André Gorz est fascinante mais reste méconnue.
Philosophe et militante, Céline Marty invite à le redécouvrir à partir de quatorze extraits, commentés et expliqués. Le marxisme libertaire de Gorz, soucieux de penser une stratégie révolutionnaire et autogestionnaire, inspire et résonne avec les défis actuels de la gauche radicale en matière de travail et d’écologie politique.

 

Stéfanie Prezioso, Découvrir l’antifascisme,
Les Éditions sociales, « Les propédeutiques », 2025, 192 p., 12 €.  

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Les textes rassemblés et commentés ici couvrent l’entre-deux-guerres, de la marche sur Rome aux lendemains de la guerre civile espagnole. En redonnant la parole aux intellectuels et militants, d’Antonio Gramsci à Emma Goldman, en passant par Léon Trotsky, Sylvia Pankhurst, Clara Zetkin, George Padmore, Daniel Guérin et bien d’autres, Stéfanie Prezioso retrace l’histoire de l’antifascisme, ses hauts faits et ses impasses. Elle montre comment les gauches ont cherché à comprendre le fascisme, cette réalité inédite, et à organiser, en divers lieux et à diverses échelles, la riposte.

 

Ernst Schmitter, L’économie comme catastrophe. Une introduction à la critique de la valeur-dissociation,
trad. de l’allemand Sandrine Aumercier, Crise & critique, « Palim psao », 2025, 200 p., 17 €.

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Les bases invisibles et la dynamique du système capitaliste qui fonce à toute vitesse vers le fascisme, le totalitarisme et vers sa propre destruction, sont l´objet de la critique de la valeur-dissociation depuis près de quatre décennies. Elle est considérée comme compliquée et se trouve le plus souvent évitée ou passée sous silence par les forces aussi bien de gauche que de droite. Malgré toute son importance, elle est pratiquement inconnue au-delà d'un cercle restreint.
Il est donc grand temps de proposer une introduction facile à comprendre aux idées de la critique de la valeur-dissociation, telle qu'elle est présentée ici pour la première fois. L'ouvrage contient en outre des indications en vue de l'organisation d´une résistance qui a pris connaissance de la réalité occultée du système et peut agir en conséquence.

 

Bruno David, Intellectuels ouvriéristes. Les communistes des conseils en France, 1927-1934,
Presses universitaires de Provence, « Le temps de l’histoire », 2025, 314 p., 29€.

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Ce livre retrace l’histoire d’une poignée d’intellectuels passés du bolchevisme au conseillisme, qui rêvèrent l’avènement d’un monde libre et solidaire dans le sillage d’une révolution faite par et pour les ouvriers à une époque – le mitan de l’entre-deux-guerres – de désenchantement et de dépression du mouvement social. Hantés par l’exigence de faire de leurs actes la mesure de leur foi, ces hommes d’étude et de savoir ont voulu vivre selon leur idéal : éprouver la fraternité de classe en créant un lieu où les rapports de pouvoir sont abolis – voire, pour certains, en embrassant la condition ouvrière ; opposer le travail et l’échange gratuits au salariat et au marché ; défendre l’autonomie des luttes contre la médiation syndicale et le recours à l’État. Leur communisme puisait son inspiration dans la geste de l’autonomie ouvrière, en particulier dans le mouvement des conseils, surgi et défait quelques années plus tôt dans l’Allemagne en révolution. Leur engagement, empreint d’utopie et de noblesse, fut jalonné de difficultés de tout ordre mais aussi de modestes rétributions. Cet ouvrage entend exposer ce qui, dans le cheminement intellectuel et dans la trajectoire sociale de ces clercs militants, a nourri un ouvriérisme auquel leur entrée dans la vie ne les prédisposait pas, et d’identifier, dans les préoccupations et les aspirations exprimées par les mouvements sociaux contemporains, les échos de leur utopie intempestive.

 

Julien Chuzeville, Brève histoire des socialismes en France,
Libertalia, « Ceux d’en bas », 2025, 320 p., ill., 13 €.

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En 1905, tous les socialistes en France s’unissent dans le Parti socialiste – Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO). Ce parti unifié se divise plus tard, avec la création du Parti communiste. Tous les courants socialistes et communistes postérieurs viennent de la SFIO, ou de ses scissions, ce qui lui donne un rôle fondamental dans l’histoire. Il y a plus d’un siècle, des militantes et militants socialistes luttaient pour abolir l’exploitation ; contre l’impérialisme et contre le colonialisme ; pour l’égalité femmes-hommes. Ce livre explore leurs buts et les moyens employés, à commencer par leur conception de la démocratie et de l’action politique.
Un ouvrage accessible et érudit, s’arrêtant sur les grands moments qui ont jalonné l’histoire de la gauche française.

 

Christian Gasquet, Les origines de l’internationalisme ouvrier. De la Ligue des communistes à la Première Internationale (1847-1872),
Les Bons caractères, « Éclairage », 2025, 128 p., 8,20 €. 

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La Ligue des communistes, pour laquelle Marx et Engels écrivirent le Manifeste du parti communiste fin 1847, regroupait des ouvriers et des intellectuels révolutionnaires allemands.  La Ligue inscrivait son action dans le cadre de l’internationalisme, comme le Manifeste le souligne dans le vibrant « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! » qui le conclut. La répression des révolutions de 1848 dispersa ses militants et ses idées dans toute l’Europe, dans les organisations ouvrières et socialisantes qui s’y multipliaient. Une fois digéré l’échec des révolutions de 1848, nombre de ses militants créèrent en 1864, l’Association internationale des travailleurs, la Première Internationale.

 


Guillaume Suing, Fuir le progrès ? Le marxisme face aux enjeux scientifiques de notre siècle,
préf. Bruno Drweski, Delga, 2025, 220 p., 20 €.  

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Crise systémique oblige, c’est la notion même de progrès qu’on trouve en ligne de mire des intellectuels de plateau. Progressistes, réactionnaires : l’opposition serait « déconstruite », la page tournée, par des postmodernes nouveaux favoris de la classe dominante, classe avide de contre-feux idéologiques au spectre marxiste qui la hante. C’est oublier un peu vite que cette « déconstruction » n’occupe que la gauche occidentale, affaiblie par l’abandon de ses principes fondateurs, et que celle du Sud global poursuit sa lutte révolutionnaire contre l’impérialisme, sans jamais opposer progrès social et progrès scientifique et technique. Il est temps de mieux se comprendre, face aux nouveaux enjeux planétaires dont s’emparent les masses. Sans penser ces enjeux, les contournant par dogmatisme, le mouvement marxiste finirait, ici comme là-bas, par ressembler à la caricature qu’on lui a faite, actant une défaite passée pensée comme définitive, oubliant que la puissance sociale et les conquêtes scientifiques du socialisme furent le seul et unique cauchemar de la bourgeoisie, le seul et unique espoir des prolétaires et des peuples pour s’émanciper du capital.

 

 

Sophie Noyé, Pour un féminisme matérialiste et queer,
La Dispute, « Le genre du monde », 2025, 250 p., 18 €. 

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Depuis la fin des années 1990, un vif débat oppose le féminisme matérialiste et le mouvement queer en France. Ces courants semblent irréconciliables en raison d’analyses et de stratégies antagoniques : la division du travail contre le régime des normes, la classe des femmes contre les multitudes queer, l’abolition des rapports sociaux de sexe contre les politiques de subversion.
Pour éclairer la controverse – qui a largement structuré le champ féministe – et aider à se repérer dans les débats, Sophie Noyé offre une cartographie synthétique des différences et des points de tension entre ces deux perspectives. L’autrice défend que, loin d’être incompatibles, les approches matérialiste et queer gagnent à être articulées. Leur rapprochement enrichit le féminisme radical, transforme les pratiques militantes et renouvelle en particulier la question du « nous ». À l’heure où faire front commun apparaît décisif, ce livre interroge ainsi les possibilités de construire une contre-hégémonie féministe unitaire.

Christophe Magis, Pour une critique matérialiste des médias, Les Éditions sociales, « Les éclairées », 2025, 190 p., 17 €.  [présentation en ligne]

Pour être opératoire, la critique des médias doit examiner les rouages du mode de production médiatique et la fonction qu’il occupe dans le capitalisme contemporain, au niveau économique aussi bien qu’au niveau idéologique.
À partir des catégories de la critique marxiste, appliquées à l’étude des systèmes médiatiques dans la tradition de l’économie politique de la communication, l’auteur aborde de front les problématiques que soulèvent les médias aujourd’hui – concentration, marchandisation croissante de la culture via la publicité, mythe de l’abondance informationnelle, etc. – et rend intelligible leur articulation à la marche du capitalisme et à sa crise. Attentif à replacer les enjeux les plus récents dans l’histoire des transformations du processus d’accumulation, il livre une introduction claire et efficace au fonctionnement économique des médias et un plaidoyer pour une approche matérialiste de la culture et de la communication.

 

Marie Bénilde, Le péril Bolloré,
La Dispute, 2025, 150 p., 13 €.

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Dopés par une concentration accrue des moyens de production médiatique et la pression grandissante du profit, les médias bolloréens occupent en France le poste d’avant-garde. En mobilisant son empire pour mettre les idées de l’extrême droite au centre du débat public et en œuvrant à son rapprochement avec la droite libérale, Vincent Bolloré contribue à les faire accéder au pouvoir.
Procès de sa montée en puissance, ce livre éclaire comment le bollorisme traduit une évolution du capitalisme français et pourquoi une partie de la bourgeoisie se plaît à le condamner tout en reprenant ses vues : liberté du possédant d’imposer les thèmes du débat public, confusion entre antisémitisme et antisionisme, obsession de la politique spectacle, dénonciation de l’audiovisuel public, etc.
Aujourd’hui, il ne manque plus à cette bollosphère que la prise du pouvoir. Mais peut-être est-il encore temps de l’enrayer, à condition de refaire des médias une question politique et l’objet d’un rapport de force.

Américo Nunes, Orages pour un autre rêve. Du tiers-mondisme à la gauche communiste, et au-delà,
conversations avec Yann Martin, éd. établie par Freddy Gomez, L’Échappée, « Dans le feu de l’action », 2025, 304 p., 20 €.

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Du Mozambique de sa jeunesse, alors colonie portugaise, du Paris de son exil, d’Alger, alors « capitale des révolutions », où il se rend au lendemain de l’indépendance pour travailler à l’agence cubaine « Prensa Latina », Américo Nunes (1939-2024) garde des souvenirs précis de bonheurs vécus au quotidien, de l’espoir des temps, de rencontres.
À son retour en France en 1965, il s’investit dans Pouvoir ouvrier, une scission de Socialisme ou barbarie qui le fait entrer de plain-pied dans la galaxie de la « gauche communiste ». Quand éclate Mai 68, il est de tous les combats, notamment celui du Comité d’action étudiants travailleurs de Censier, expérience radicale s’il en est, qu’il vit, en contrepoint de son « tiers-mondisme » de jeunesse, comme l’expression d’une utopie longtemps rêvée. Il est alors proche de la mouvance informelle de « La Vieille Taupe », qu’il quitte avec fracas aux premiers signes de dérive négationniste. Puis c’est l’enseignement à l’université de Vincennes.
Et tant d’autres choses encore qui nous sont racontées dans cet entretien au long cours avec celui qui pensait que les gens qui rêvent le jour auront toujours quelque chose de plus que ceux qui ne rêvent que la nuit.

« Lacan », Actuel Marx n° 77, PUF, 2025, 230 p., 25 €. [sommaire en ligne]

 

 

La relecture par Lacan des problèmes marxistes a fait l'objet d'un certain nombre de travaux récents et novateurs. Ces travaux redessinent un champ de réinterprétations croisées et de repotentialisation réciproque de la psychanalyse lacanienne et du marxisme, champ investi surtout dans le monde hispanophone et anglophone. En France les recherches novatrices se sont plutôt attachées à renouveler la compréhension, sur la séquence des années 1955-1975, des tentatives de « synthèse » entre lacanisme et marxisme structuraliste (autour de l'intervention althussérienne), ou autour de la « schizoanalyse » de Guattari, ou encore autour des stratégies de double contournement et de la psychanalyse lacanienne et du marxisme (intégrant la reproblématisation foucaldienne du « sujet » et des « économies du pouvoir »). Ce numéro aura avant tout pour visée de faire connaître les marxismes lacaniens contemporains qui, s'ils sont rarement indifférents au « lacano-althussérisme » issu de la séquence structuraliste, trouvent également d'autres voix généalogiques, passant par exemple par un certain legs gramscien (comme chez Ernesto Laclau), ou puisant même dans la grande tradition de l'idéalisme allemand (comme chez Slavoj Zizek). Ce sont donc des lacano-marxismes à l'échelle globale qu'il s'agira d'instruire, que ce soit pour interroger la portée de l'enseignement lacanien pour diagnostiquer les tendances du capitalisme globalisé de l'ère néolibérale, les transformations des enjeux du lacanisme qu'appellent les articulations actuelles des rationalités économico-politiques à un discours de l'inconscient, ou les incidences de leur confrontation pour interroger le vacillement des représentations anthropologiques qui sous-tendent le « discours du capitalisme » contemporain.
 
 

 

Automatisation, IA et fin du capitalisme

Pochette de l’album « Die Mensch-Maschine » (L’homme-machine) du groupe Kraftwerk, 1978.

André Boetto
Lundi 16 juin 2025 à 18h30

Salle Favard, 46 rue d’Ulm, RDC (à droite).

Les approches contemporaines les plus courantes au problème de l’automatisation et de l’intelligence artificielle (IA) ont tendance à n’y voir qu’un discours idéologique et illusoire et à minimiser à la fois le rôle joué par les machines automatiques dans le fonctionnement réel du capitalisme et le potentiel de remplacement du travail vivant qu’elles impliquent. L’objectif de cet exposé sera au contraire d’insister sur la centralité du développement de l’automation dans l’histoire du capitalisme et de tenter une explication de cette tendance à partir de la structure et des lois historiques internes du capitalisme.

On essayera tout d’abord de définir le principe fondamental de l’automatisme et de décrire l’évolution historique de l’automation en quelques étapes principales, à savoir les automates mécaniques, les automates informatiques (ou cybernétiques) et les automates statistiques (dont l’IA fait partie). On passera ensuite à l’analyse des raisons fondamentales qui poussent le capitalisme à développer l’automation plus que toute autre formation sociale historique.

La dernière partie de l’exposé sera consacrée à la critique de quelques auteurs récents qui, tout en reconnaissant les dynamiques générales du capitalisme ont pu minimiser le rôle joué par l’automation dans son évolution historique présente et future. La reconnaissance de la persistance de la tendance à l’automation aujourd’hui comme demain doit conduire à notre avis à revoir le sens de la « nécessité » du dépassement du capitalisme que Marx a pu évoquer dans ses pages, et qui devrait peut-être être interprétée dans un sens moins « automatique » qu’on a pu le faire auparavant.

Bibliographie indicative :

  • Aaron Benanav, L’automatisation et le futur du travail, Quimperlé, Divergences, 2022.
  • George Caffentzis, In Letters of Blood and Fire : Work, Machines, and the Crisis of Capitalism, Oakland, PM Press, 2013 (trad. fr. : En lettres de sang et de feu, Genève/Paris, Entremonde, à paraître).
  • Nick Dyer-Witheford, Atle M. Kjøsen et James Steinhoff, Inhuman Power : Artificial Intelligence and the Future of Capitalism, Londres, Pluto Press, 2019 ; « Stagnation, Circulation, and the Automated Abyss », in J. Fehrle et al. (éd.), (De)Automating the Future : Marxist Perspectives on Capitalism and Technology, Leyde/Boston, Brill, 2024, p. 288-310.
  • Nick Dyer-Witheford et Alessandra Mularoni, Cybernetic Circulation Complex : Big Tech and Planetary Crisis, Londres, Verso, 2025.
  • Philip Kraft, Programmers and Managers : The Routinization of Computer Programming in the United States, New York, Springer, 1977.
  • William Lazonick et Thomas Brush, « The ‘Horndal Effect’ in Early U.S. Manufacturing », Explorations in Economic History, vol. 22, n° 1, 1985, p. 53-96.
  • Tessa Morris-Suzuki, « Robots and Capitalism » et « Capitalism in the Computer Age », in J. Davis et al. (éd.), Cutting Edge : Technology, Information, Capitalism and Social Revolution, Londres, Verso, 1997, p. 13-27 et 57-71.
  • Pierre Naville, Vers l’automatisme social ? Machines, informatique, autonomie et liberté, Paris, Syllepse, 2016 [1963].
  • Matteo Pasquinelli, The Eye of the Master : A Social History of Artificial Intelligence, Londres, Verso, 2023 (trad. fr. : L’œil du maître, Genève/Paris, Entremonde, à paraître).
  • Ramin Ramtin, Capitalism and Automation : Revolution in Technology and Capitalist Breakdown, Londres, Pluto Press, 1991.
  • Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier, 1989 [1958].
  • Jason E. Smith, Smart Machines and Service Work : Automation in an Age of Stagnation, Londres, Reaktion Books, 2020 (trad. fr. : Les capitalistes rêvent-ils de moutons électriques ?, Caen, Grevis, 2021).
  • James Steinhoff, Automation and Autonomy : Labour, Capital and Machines in the Artificial Intelligence Industry, Cham, Springer, 2021.

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Julius Dickmann, marxiste inclassable

Robert Ferro
Lundi 2 juin 2025 à 18h30

Salle Favard, 46 rue d’Ulm, RDC (à droite).

Julius Dickmann (1894-1942) demeure une figure méconnue de la scène marxiste de la première moitié du XXe siècle. Souvent rattaché à l’austromarxisme, il est surtout connu pour avoir collaboré avec la revue La Critique sociale de Boris Souvarine, et pour avoir influencé l’ouvrage de Simone Weil Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale (1934, publié posthume). La publication en France de l’ensemble de ses écrits (cf. Pour une autocritique du marxisme. Œuvres complètes 1917-1936, Toulouse, Smolny, 2023) permet enfin de découvrir cet auteur dans toute sa complexité.

La séance que nous proposons voudrait être une invitation à la lecture de Dickmann. Elle nous offrira l’occasion de présenter quelques-uns de ses textes, consacrés à des thèmes aussi divers que le concept de travail chez Marx, le problème de l’accumulation (Luxemburg-Boukharine), la nature des limites à l’expansion du mode de production capitaliste, etc. Elle nous permettra également de revenir sur les conditions de la formation du premier parti ouvrier qui, au tournant de l’automne 1918, se soit officiellement désigné comme « communiste » : le Parti communiste d’Autriche.

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Sortie d’usine ? État des lieux de la situation ouvrière

Prise de vue du film « L’Ouvrier et la machine » de Sol Suffern-Quirno et Rudolf di Stefano (2024).

Nicolas Boutin
Lundi 26 mai 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Est-il possible de se mettre d’accord sur la spécificité propre, aujourd’hui, du monde ouvrier ? Comment pourrait-on qualifier, à nouveaux frais, le « prolétariat » afin que ce concept soit apte à saisir la réalité de notre moment historique ? L’objectif de cette présentation est de battre en brèche l’idée selon laquelle nous serions sortis du monde de l’usine, proposant ainsi quelques pistes afin d’établir un état des lieux de la situation ouvrière contemporaine. Dans les suites du vaste mouvement de délocalisation des grandes entreprises vers les pays pauvres, le travail ouvrier n’a en réalité pas disparu des pays riches de l’Occident ; la réorganisation « post-industrielle » du travail a reconfiguré la chaine de production mondiale en deux pôles essentiels : d’un côté, le travail ouvrier de la production, dans les plus grandes usines et les plus grandes mines ayant jamais existé et, de l’autre, le travail ouvrier non délocalisable, assumé pour l’essentiel par des travailleurs et des travailleuses sans papiers et en conséquence sans droits. Tenter de penser le lien entre ceux deux pôles sera l’un des enjeux de la présentation, notamment autour de la question du développement sans précédent de la sous-traitance.

Cet état des lieux prendra deux directions : une analyse « objective » de la situation ouvrière, s’appuyant spécifiquement sur une expérience politique précise, celle de l’École des Actes, une micro-institution militante situé à Aubervilliers, dont le travail d’enquête a permis d’établir que le travail sans papier est au cœur de la réorganisation contemporaine du travail et qu’il forme aujourd’hui le réel du travail ouvrier des pays riches ; une analyse « subjective », se mettant à l’école de la parole et de la pensée d’ouvrières et d’ouvriers, condition pour que le travail ouvrier soit pensé en intériorité, établissant ainsi un garde-fou face aux risques de désubjectivation de l’analyse objective. Une telle entrée dans le travail ouvrier par la subjectivité prendra appui sur les films des cinéastes contemporains Sol Suffern-Quirno et Rudolf di Stefano, notamment Sortie d’usine (2022) et L’Ouvrier et la Machine (2024).

À partir de là, le souhait est que soit mise en discussion une hypothèse : ce qui pourrait caractériser le prolétariat aujourd’hui, selon toutes ses variantes mondiales, est qu’il est une figure toujours déplacée ou en déplacement et que le capitalisme mondial repose sur la production d’une telle main d’œuvre. Alors qu’il n’était qu’une forme transitoire du travail marchand pour Marx, semble se dessiner et s’établir un « prolétariat sans feu ni lieu », hors du droit, corvéable à merci, qui ne se fixe jamais nul part.

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Présentation du recueil de Tran Duc Thao, Phénoménologie, marxisme et lutte anticoloniale

Alexandre Feron
Lundi 19 mai 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Lors de la séance du lundi 19 mai, Alexandre Feron viendra nous présenter le recueil de textes de Tran Duc Thao Phénoménologie, marxisme et lutte anticoloniale, récemment paru aux Éditions sociales. Voici la présentation de l’ouvrage : 

Ces dernières années, on redécouvre la figure du philosophe vietnamien Tran Duc Thao (1917-1993). Longtemps oublié, il joue pourtant un rôle de premier plan dans la France des années 1940 et 1950, aussi bien sur un plan politique, par son engagement dans le mouvement anticolonial vietnamien, qu’intellectuel, par ses interventions dans les débats de l’époque. Il participe notamment aux discussions animées entre marxisme et existentialisme au moment de la Libération, et tente une synthèse audacieuse entre matérialisme dialectique et phénoménologie. Il contribue également à la réception et à la diffusion de l’œuvre de Husserl en France, aux débats autour de l’interprétation de Hegel et échange avec les grands intellectuels de l’époque (Sartre, Merleau-Ponty, Kojève, Naville, Lefort).

S’il rejoint précipitamment le Vietnam en lutte pour son indépendance fin 1951 et rompt alors contact avec la scène intellectuelle française, Tran Duc Thao continue d’exercer une influence souterraine sur toute une génération philosophique formée dans les années 1940 et 1950 (Foucault, Derrida, Althusser, Bourdieu, Sève).

Le présent volume, édité et introduit par Alexandre Feron, rassemble les textes que Tran Duc Thao rédige en français durant son premier séjour en France, entre 1936 et 1951, et offre ainsi une vue d’ensemble sur sa production philosophique et politique durant ces années.

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Cycle « Marxisme, impérialisme et question nationale » (2) – Les causes de la Première Guerre mondiale

Fritz Fuhrken, « Sous le feu des obus, Combats de la Somme en 1918 », aquarelle réalisée en avril 1919 au camp de Colsterdale/Yorkshire.

Pierre Millet et Ulysse Lojkine
Lundi 12 mai 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Dans cette séance à deux voix, Ulysse Lojkine et Pierre Millet aborderont le débat sur les causes de la Première Guerre mondiale à l’occasion des 110 ans de la rédaction de la « brochure de Junius », par Rosa Luxemburg, dans les murs de la prison royale pour femmes de Prusse, au printemps 1915.

Ulysse Lojkine présentera ce texte emblématique du mouvement d’opposition à la guerre en Allemagne et les principaux apports théoriques de Rosa Luxemburg.

Pierre Millet proposera ensuite une mise en perspective historiographique du débat sur les causes de la Première Guerre mondiale et sa réactualisation dans le contexte du centenaire de la Première Guerre mondiale et du début de la guerre en Ukraine. 

 

Bibliographie :

Textes écrits au cours de la Première Guerre mondiale

Aperçu du débat historique après la guerre

  • Perry Anderson, Disputing Disaster : A Sextet on the Great War, Londres, Verso, 2024.
  • Alexander Anievas, « La théorie marxiste et les origines de la Première Guerre mondiale », Revue Période, 2016.
  • Christopher Clark, Les somnambules, Été 1914 : comment l’Europe a marché vers la guerre, Paris, Flammarion, 2013.
  • Fritz Fischer, Les buts de guerre de l’Allemagne impériale, Paris, Éditions de Trévise, 1975 [éd. originale en allemand : Griff nach der Weltmacht : die Kriegszielpolitik des kaiserlichen Deutschland 1914/18, Düsseldorf, Droste Verlag, 1961].
  • Gerd Krumeich, Le feu aux poudres : qui a déclenché la guerre en 1914 ?, Paris, Belin, 2014.
  • Pierre Renouvin, Les origines immédiates de la guerre, Paris, Costes, 1925.
  • Hans Ulrich Wehler, Von der ‘Deutschen Doppelrevolution’ bis zum Beginn des Ersten Weltkrieges 1845/49–1914, t. 3, Munich, C.H. Beck, 1995.

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Cycle de lecture : Le Capital, livre 2 (7) – L’accumulation et la reproduction élargie (ch. 21)

Vassily Kandinsky, « Cercles dans un cercle », 1923, huile sur toile © Philadelphia Museum of Art.

Sebastien Rey
Lundi 5 mai 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Cette séance sera consacrée à une lecture approfondie et rigoureusement située du chapitre 21 du Livre II du Capital, dans lequel Marx élabore les fondements conceptuels de ce qu’il nomme la reproduction élargie. Ce chapitre, dense et souvent relégué à la périphérie des lectures militantes ou théoriques, constitue pourtant une clef d’accès essentielle à l’intelligibilité de la dynamique propre du capital, à la manière dont celui-ci se reproduit en s’accroissant, en étendant ses métabolismes sociaux, ses temporalités propres, ses frontières géographiques et logiques.

Nous tenterons d’élucider la portée théorique de ce schéma de reproduction, en le replaçant dans l’économie d’ensemble du Livre II, et en interrogeant les conditions méthodologiques de son édification. Dans quelle mesure s’agit-il d’un simple modèle quantitatif, destiné à formaliser la circulation entre les deux grands départements de la production ? Ou bien devons-nous y lire une tentative plus ambitieuse : celle de rendre compte de la manière dont le capital articule production, circulation et temporalité dans un procès global qui ne cesse de se reconfigurer à travers ses contradictions ?

Pour déplier ces questions, l’exposé s’appuiera sur une constellation d’interprétations majeures. D’abord, les lectures althussériennes, qui insistent sur la discontinuité des niveaux et la structuration hiérarchique de la reproduction sociale ; puis celle de David Harvey, qui restitue la fluidité concrète des métamorphoses du capital à l’échelle planétaire ; enfin, la perspective singulière de Rosa Luxemburg, pour qui le modèle de la reproduction élargie révèle, au cœur de sa logique, l’impossibilité de la clôture du capital sur lui-même — son incessant besoin d’un dehors, d’un au-delà qu’il exploite et consume.

En mettant ces lectures en dialogue, il s’agira de prendre la mesure de l’actualité critique de ce chapitre. Comment penser, à partir de cette architecture théorique du XIXe siècle, les formes contemporaines de l’accumulation — financiarisées, néocoloniales, écologiquement destructrices ? Et comment cette mise en schéma, aussi abstraite qu’elle puisse paraître, permet-elle de penser les articulations concrètes entre temporalité, expansion, et crise dans le capitalisme contemporain ?

 

Bibliographie additionnelle :

  • Louis Althusser, Sur la reproduction, Paris, PUF, 2011.
  • Étienne Balibar, « De la reproduction », in Louis Althusser et al., Lire le capital, Paris, PUF, 2014,  p. 494-519.
  • R. M. Goodwin, « A Model of Cyclical Growth », in Erik Lundberg (éd.), The Business Cycle in the Post-War World, Londres, Palgrave Macmillan, 1955, p. 203-21.
  • David Harvey, A Companion to Marx’s Capital : The Complete Edition, Londres, Verso, 2018 (traduction : Pour lire Le Capital, Montreuil, La Ville brûle, 2024).
  • Rosa Luxemburg, The Accumulation of Capital, Londres, Routledge, 2015 (traduction : L’accumulation du capital, Paris, F. Maspero, 1969).
  • Karl Marx, Das Kapital, Buch II : Der Cirkulationsprocess des Kapitals, Hamburg, Otto Meissner, 1885.
  • Thomas Piketty, Le capital au XXIe siècle, Paris, Éd. du Seuil, 2013.
  • Stavros Tombazos, « La reproduction capitaliste chez Marx », Actuel Marx, n° 70/2, 2021, p. 77-95.

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Selma James, Marx et les marxistes

Selma James (au premier plan) en conférence à Lille le 1er mars 2025, photo : Lucie Rondeau du Noyer.

Lucie Rondeau du Noyer
Lundi 28 avril 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Néé Selma Deitch en 1930, Selma James s’engage dès l’adolescence dans la gauche radicale américaine. 80 ans plus tard, elle demeure une militante antisexiste et antiraciste de premier plan, ainsi que la coordinatrice de la Global Women’s Strike. Depuis une décennie, la redécouverte par les féministes francophones de la campagne internationale pour le salaire au travail ménager (1972-1977) et des théories de la reproduction sociale élaborées dans les années 1970 et 1980 ont fait de Selma James une protagoniste de plus en plus souvent citée, quoiqu’encore peu lue. On peut espérer que la publication d’une première anthologie en français de ses textes à la fin de l’année 2024 change la donne. Pour ma part, je passerai en revue dans mon exposé l’ensemble des textes de Selma James qui permettent de saisir comment son usage de Marx et son positionnement vis-à-vis du mouvement marxiste international ont évolué pendant ses huit décennies de militantisme.

 

Bibliographie indicative de Selma James :

Enregistrement de la séance :

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Présentation du Fil invisible du capital

Ulysse Lojkine (avec Simon Verdun)
Lundi 14 avril 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Ulysse Lojkine présentera les idées directrices de son livre, Le Fil invisible du capital : déchiffrer les mécanismes de l’exploitation, qui vient de paraître aux Éditions La Découverte. Il insistera en particulier sur le chapitre 2, qui défend la conception marxiste de l’exploitation dans un débat face à celles des libertariens et des néoclassiques, qui reposent en particulier sur des conceptions différentes du pouvoir économique. Simon Verdun jouera le rôle de discutant, ouvrant ainsi le dialogue qui se prolongera avec la salle.

Voici la présentation de l’ouvrage : 

Les rapports économiques du capitalisme ne s’observent pas à l’œil nu. L’enchevêtrement de la circulation des marchandises, l’usage d’unités de compte monétaires, le mécanisme indirect des interactions par les prix ou la division internationale du travail les rendent illisibles. L’ouvrière marocaine, la caissière française et les grandes banques sont prises dans des liens rigoureux mais opaques, qui créent l’ambiguïté au sujet de questions fondamentales : qui travaille pour qui, qui décide pour qui ?

À condition d’assumer l’abstraction et la rupture avec l’expérience immédiate, il est possible d’y répondre et de mettre en évidence, contre l’illusion libérale de l’égalité contractuelle, les rapports d’appropriation et de pouvoir qui traversent notre société. Comme l’avait dit Marx, ces rapports se révèlent inhérents au fonctionnement même du système capitaliste. Mais, en particulier à l’heure des réseaux de production internationaux, de la finance et de la rente, l’exploitation ne peut être analysée à partir du seul face-à-face entre employeur et salarié. Elle se déploie en cascade, à plusieurs échelles, dessinant une structure qui est aussi celle de la coordination économique.

Point alors un horizon d’émancipation socialiste qui n’est pas celui d’un retour à des communautés locales, ni d’une mobilisation générale au service de l’État, mais d’institutions de synchronisation à grande échelle des fins et des capacités de chacun.

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Cycle de lecture : Le Capital, livre 2 (6) – Reproduction simple du capital social global (ch. 18-20)

Vincent Van Gogh, « La moisson », 1888, huile sur toile, 73 x 92 cm.

Thomas Irace
Lundi 7 avril 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Ces trois chapitres (18, 19, 20) sont les premiers de la troisième et dernière section du Livre II, consacrée à « la reproduction et la circulation du capital social global ». Pris ensemble, ils constituent l’exposé le plus complet que Marx ait consacré au problème de la reproduction simple, caractérisée par la consommation improductive de l’intégralité de la survaleur (la reproduction élargie sera, elle, traitée au chapitre 21). Ici, Marx se place explicitement dans les traces de Quesnay et des physiocrates ; il s’attaque à Adam Smith qui (précurseur en cela des économistes vulgaires) ignore le problème de la reproduction du capital constant et ne cesse de confondre capital et revenu.

Contrairement aux deux sections précédentes du Livre II, il s’agit désormais d’examiner de manière systématique l’interdépendance généralisée des cycles des différents capitaux. Pour examiner les conditions de possibilité (ou d’échec) de la reproduction globale, Marx se dote d’un outil conceptuel à la fois puissant et énigmatique : les « schémas de reproduction » représentent le capital social global comme un système fermé scindé en deux secteurs, dont le premier produit les moyens de production (donc de reproduction « en nature » du capital constant des deux secteurs) et le second les moyens de consommation (donc de reproduction de la force de travail / capital variable des deux secteurs). Une première condition cruciale de la reproduction simple apparaît rapidement : la valeur du revenu distribué dans le secteur I est égale à celle du capital constant reconstitué dans le secteur II. D’autres conditions finissent par émerger des méandres du chapitre 20.

La reproduction simple est parfois abordée comme une simple étape dans la construction du modèle plus « complet » de la reproduction élargie. Mais cette partie du texte mérite d’être examinée pour elle-même, notamment parce qu’en faisant abstraction de l’accumulation, Marx fait ressortir un problème d’harmonisation intersectorielle qui se posera tout autant (bien que différemment) à une hypothétique « production sociale » qu’à la production capitaliste.

Enregistrement de la séance :

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Le problème de l’autonomie du politique : la pensée marxiste face à Carl Schmitt

Léo Texier
Lundi 31 mars 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Nous nous intéresserons au cours de cette séance aux liens qu’entretient avec la pensée marxiste la pensée de Carl Schmitt, auteur que l’on considère souvent comme l’un des plus importants théoriciens du politique du 20e siècle. Le moins que l’on puisse dire est que Schmitt, généralement connu pour son engagement infamant auprès du régime national-socialiste, n’était pas marxiste. Pourtant un nombre non négligeable de penseurs marxistes ont trouvé nécessaire de se confronter à la pensée du juriste allemand, non seulement de façon polémique, mais encore pour entreprendre d’y trouver des ressources théoriques pour alimenter et peut-être même amender la pensée marxiste sur le point précis de l’élaboration d’une théorie du politique.

Dans le cadre de notre exposé, après avoir évoqué, en nous intéressant aux écrits de Mario Tronti, l’un de ces principaux usages marxistes de Schmitt, nous essayerons, pour notre part, de montrer les raisons pour lesquelles la pensée de ce dernier, si l’on en considère les fondements, apparaît en vérité difficilement compatible avec la théorie du matérialisme dialectique professée par Marx  — et que, dans le même temps, la théorie schmittienne du politique adresse à cette dernière une question dont l’acuité n’a cessé de se renforcer au cours des dernières décennies.

Enregistrement de la séance :

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Conférence d’Étienne Balibar : « Valorisation et rapport de classe : réflexions provisoires sur le point de stress de la théorie marxiste »

Lundi 24 mars 2025 à 18h30

Salle des résistants. 45 rue d’Ulm (premier étage)

Le lundi 24 mars 2025, le séminaire Lectures de Marx recevra Étienne Balibar pour une conférence intitulée “Valorisation et rapport de classe : réflexions provisoires sur le point de stress de la théorie marxiste”.

La conférence durera environ une heure et sera suivie d’un temps de questions. Elle aura lieu à partir de 18h30 dans la salle des actes au 45 rue d’Ulm (ENS).

La séance est ouverte à toutes et tous, sans inscription préalable et dans la limite des places disponibles (environ 70). L’enregistrement de la séance sera également mis à disposition sur le site.

Philosophe, Étienne Balibar est professeur émérite de l’université de Paris-X-Nanterre et de l’Université de Californie à Irvine. Il enseigne ou a enseigné à Alger, Paris 1, Leyde, Buenos-Aires, Columbia University (New York) et Kingston (Londres). Ses recherches portent sur la philosophie politique, la critique de la religion et de l’économie politique, le racisme et le nationalisme. Il a publié de nombreux ouvrages et articles consacrés à Marx et au marxisme, parmi lesquels on peut signaler :

  • Lire le Capital (avec Louis Althusser, Pierre Macherey, Jacques Rancière, Roger Establet), Paris, Éditions François Maspero, 1965 ; nouvelle édition revue et augmentée : PUF, 1996.
  • Race, nation, classe (avec Immanuel Wallerstein), Paris, La Découverte, 1988.
  • La philosophie de Marx, Paris, La Découverte, 1993 ; nouvelle édition revue et augmentée : La Découverte, 2014.
  • La crainte des masses : politique et philosophie avant et après Marx, Paris, Galilée, 1997.
  • « Avant-propos pour la réédition de 1996 », in Louis Althusser, Pour Marx, Paris, La Découverte, 2005, p. 5-23.
  • « Le moment messianique de Marx », Revue germanique internationale, 8/2008, p. 143-160.
  • « Les “deux découvertes” de Marx », Actuel Marx, n° 50, 2011/2, p. 44-60.
  • « Marxisme, nation, internationalisme », Actuel Marx, n° 74, 2023/2, p. 120-129.

Enregistrement de la conférence :

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Le développement des forces productives chez Marx

Incendie d’Eaton, Altadena, Californie, Etats-Unis, 2025, photo © Stuart Palley.

André Boetto
Lundi 17 mars 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

La centralité du développement des forces productives chez Marx est reconnue aussi bien par le marxisme que par ses détracteurs, qui s’en servent souvent pour accuser Marx de défendre une forme de « productivisme » associé à la dégradation des ressources naturelles ou alors un « anti-humanisme » qui oublierait l’être humain au profit de la croissance industrielle. Dans la plupart de ces interprétations, le sens du concept de « forces productives » et de leur développement n’est en réalité jamais défini de manière précise et semble presque toujours aller de soi.

Dans cet exposé je vais donc essayer de revenir à Marx lui-même afin d’élucider et de contextualiser les différents sens dans lequel le concept de forces productives a été utilisé par lui au fil du temps. Je tâcherai de montrer que, malgré les usages multiples du concept de forces productives, l’expression « développement des forces productives » a en réalité toujours eu le même sens principal, à savoir celui du développement de la productivité du travail, ce qui chez Marx s’inscrit dans le cadre d’une problématique de la réduction du temps de travail. Cela permet notamment de mettre fin à l’idée d’un Marx de la maturité qui serait fanatique du travail (Astarian) ou de la production (Heller), idée dont je vais montrer qu’elle se fonde essentiellement sur une confusion entre le concept de productivité du travail et la productivité telle qu’elle est entendue dans le cadre de la production capitaliste.

A la fin de mon intervention, je m’interrogerai également sur les implications de l’analyse marxienne de la productivité pour l’interprétation de deux autres concepts importants de la théorie de Marx, à savoir les concepts de temps de travail et de travail abstrait, et plus particulièrement sur la possibilité de les interpréter comme des catégories transhistoriques qui s’appliqueraient également aux sociétés non capitalistes.

 

Bibliographie :

  • Bruno Astarian, L’abolition de la valeur, Genève/Paris, Entremonde, 2017.
  • Karl Bücher, Arbeit und Rhythmus (2e éd.), Leipzig, Teubner, 1899.
  • Harry Cleaver, Reading Capital Politically, Brighton, Harvester Press, 1979.
  • Diane Elson, « The Labour Theory of Value », in D. Elson (éd.), Value, Atlantic Highlands, Humanities Press, 1979, p. 115-180.
  • Ted Gioia, Work Songs, Durham/Londres, Duke University Press, 2006.
  • Ágnes Heller, « Paradigm of Production : Paradigm of Work », Dialectical Anthropology, vol. 6, n° 1, 1981, p. 71-79.
  • Raija Julkunen, « A Contribution to the Categories of Social Time and the Economy of Time », Acta Sociologica, vol. 20, n° 1, 1977, p. 5-24.
  • Jacques Le Goff, « Le temps de travail dans la “crise” du XIVe siècle », in Pour un autre Moyen Age, Paris, Gallimard, 1977, p. 66-79.
  • Moishe Postone, Temps, travail et domination sociale, Paris, Mille et une nuits, 2009.
  • Anson Rabinbach, Le moteur humain, Paris, La Fabrique, 2004.
  • Kohei Saito, Marx in the Anthropocene, Cambridge, Cambridge University Press, 2022.
  • Derek Sayer, The Violence of Abstraction, Oxford/New York, Basil Blackwell, 1987.
  • Edward P. Thompson, Temps, discipline de travail et capitalisme industriel, Paris, La Fabrique, 2004.

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28 mars : Détruire la langue du capital, un emploi à plein temps ? Travail et production littéraire – Séance du SLAC du 28 mars 2025

[Exceptionnellement, séance de 14h30 à 17h]

Salle Émile Borel (U 203), 29 rue d’Ulm.

Modération : Mathilde Roussigné

Florent Coste : Théorie littéraire et économie du langage : à qui le profit ?

La théorie littéraire peine, c’est tout du moins assez remarquable en France ces quarante dernières années, à penser la condition économique de la littérature ; et cela résulte d’une conjoncture néolibérale qui s’est évertuée à priver la théorie des instruments pour le faire. Voilà l’une des principales thèses de l’Ordinaire de la littérature. L’une des propositions du livre a été par la suite de faire une place à la littérature dans une économie du langage et, dans le sillage de la philosophie du langage de Ferruccio Rossi-Landi, de considérer la production littéraire comme une forme de travail encastrée dans un marché linguistique. Cette intervention se propose d’en présenter le cadre, les avantages et sans doute aussi les angles-morts.

Milena Arsich : Les imaginaires révolutionnaires de la langue dans la poésie nord-américaine des années 1970 : idéalisme ou réalité ?

« En principe, ce qui fait (l’art et) la littérature, c’est l’arrachement aux systèmes d’évidence. Or ces derniers se ratifient dans la langue », écrit Sandra Lucbert dans Défaire voir. Littérature et politique (2024). L’ambition de désaliéner le langage prisonnier de l’ordre capitaliste est déjà à l’œuvre chez les poètes nord-américains du mouvement Language, qui transforment la page du poème en un espace d’observation et de reconfiguration de la langue. Mais peut-on assimiler les « jeux du langage », qu’ils soient expérimentaux ou analytiques, à un travail de sape de l’hégémonie ? Cette question, qui renvoie à deux positions théoriques contraires – la critique lukácsienne des avant-gardes et la défense poststructuraliste de la poésie expérimentale –, amène à réfléchir à la pluralité de modèles de l’écriture poétique, lorsque celle-ci aspire au statut d’arme politique.

 

 

Marx, Engels et le jacobinisme

Guilhem Mevel
Lundi 10 mars 2025 à 18h30

Salle des résistants, 45 rue d’Ulm, 1er étage, couloir AB.

Tantôt source d’inspiration, tantôt sujet à une critique sévère dans les célèbres passages de la Sainte Famille et du Dix-huit brumaire, le jacobinisme dans les textes de Karl Marx et de Friedrich Engels semble recouvrir un statut paradoxal. Loin de faire seulement un inventaire des différentes références à la Révolution française, ces revirements doivent être réinscrits dans la conception de la « révolution permanente », stratégie née en septembre 1843 sous la plume de Marx et maintenue jusqu’à la fin de l’année 1850.

En partant du modèle critique hérité de Feuerbach et de la réception du socialisme français chez les Jeunes hégéliens, je tâcherai de démontrer que le rejet apparent par Marx de l’anachronisme idéologique jacobin a laissé la place à une influence sous-jacente par le biais de la « révolution permanente ». Le Manifeste du parti communiste représente dès lors un document central, car il fixe les grandes lignes de l’action politique de Marx et d’Engels lors de la révolution de 1848, tout en présentant la transition révolutionnaire d’une manière relativement analogue aux conceptions développées par Maximilien Robespierre en 1793-1794. Par le truchement de cette comparaison visant à reconstruire les quatre étapes du processus révolutionnaire exposées dans le Manifeste, il s’agira alors de déceler dans l’engagement politique de Marx et d’Engels en Allemagne et à Londres en 1848-1850, les divers éléments hérités du jacobinisme, reposant entre autres sur la bipolarisation de l’espace politique. La scission de la Ligue des communistes, actée en septembre 1850, marque un tournant, remettant d’autant plus en question ce schéma révolutionnaire hérité du passé.

Dès lors, l’appel du Dix-huit brumaire à « laisser les morts enterrer leurs morts » doit être lu comme une auto-critique de Marx. Celle-ci a pu mener à une réelle mutation théorique et politique dans son rapport au jacobinisme et à l’État, donnant naissance à la conception d’hégémonie, développée plus tard par Vladimir Ilitch Lénine et Antonio Gramsci. Cette mutation n’ayant pas toujours été clarifiée dans la tradition marxiste, je conclurai mon propos en évoquant brièvement le devenir du « spectre jacobin » après la mort de Marx.

 

Bibliographie indicative :

Sources primaires

  • Ludwig Feuerbach, Das Wesen des Christenthums [L’essence du christianisme], Leipzig, Otto Wigand, 1841, 450 p.
  • Moses Hess, Philosophische und sozialistische Schriften, Berlin, Akademie Verlag, Auguste Cornu et Wolfgang Mönke (éd.), 1961, 517 p.
  • Jean Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française, Paris, Éditions de la librairie de l’Humanité, Albert Mathiez (éd.), 1922-1924, 8 vol.
  • Karl Marx et Friedrich Engels, Collected Works, Londres, Lawrence & Wishart, 1975-2004, 50 vol.
  • Karl Marx et Friedrich Engels, Gesamtausgabe, Berlin, Dietz (1975-1998), Akademie Verlag (1998-2013), De Gruyter (2013-), 62 vol. publiés.
  • Karl Marx et Friedrich Engels, Marx-Engels Werke, Berlin, Dietz Verlag, 39 vol.
  • Maximilien Robespierre, Œuvres complètes, Paris, Société des Études Robespierristes, 1910-1967, 10 vol.
  • Arnold Ruge et Karl Marx (éd.), Deutsch-Französische Jahrbücher [Annales franco-allemandes], Paris, 1844, 237 p.
  • Lorenz Stein, Der Sozialismus und der Kommunismus des heutigen Frankreichs, Leipzig, Otto Wigand, 1842, 475 p.

Sources secondaires

  • Fernando Claudin, Marx, Engels et la révolution de 1848, Paris, Maspero, Anne Valier (trad.), 1980, 459 p.
  • Pauline Clochec, Marx jeune hégélien, 1841-1844, thèse de doctorat en philosophie, ENS-Lyon, 2018, 725 p.
  • Pauline Clochec, « Le libéralisme de Marx », Actuel Marx, vol. 2, n° 56, 2014, p. 109-123.
  • Michael Löwy, La théorie de la révolution chez le jeune Marx, Paris, Maspero, 1970, 224 p.
  • Michael Löwy, The Politics of Combined and Uneven Development : The Theory of Permanent Revolution, Londres, Verso, 1981, 242 p.
  • Jean Quétier, Théoriser le communisme dans les organisations ouvrières : le travail de parti de Karl Marx, thèse de doctorat en philosophie, Université de Strasbourg, 2020, 475 p.
  • Emmanuel Renault, Marx et la philosophie, Paris, PUF, 2014, 208 p.
  • Stéphanie Roza, Lumières de la gauche, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2022, 305 p.

Enregistrement de la séance :

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